-Ouaïouch !

Ma plainte résonne dans le silence. J’évite de rebouger mon bras et tâte prudemment la plaie, que je n’arrive pas à distinguer même en me contorsionnant de façon grotesque. Mes doigts rencontrent une surface froide et poisseuse de sang qui en dépasse sur quelques centimètres. Je serre les dents et ferme les yeux dans un réflexe absurde qui ne m’aidera pas à atténuer la souffrance. La douleur m’arrache un petit cri et quelques larmes quand j’arrache et lève devant mes yeux le morceau de verre au bout pointu qui s’était profondément enfoncé dans ma chair. Je plaque ma main sur la plaie dont le sang coule à flot, et pousse un grognement rageur. Je n’aurais jamais pensé que ces contaminés auraient étés assez malin pour me tendre un piège, et que je sois tombée dans cette grossière embuscade me met hors de moi. Je dégage mon front de mèches trempées de sueur, me maculant la face de sang, et fouille dans mon sac à la recherche d’un de ces foutus hémopatchs qui sont toujours rangés au fond du sac quand j’en ai besoin. Bien évidemment, j’ai choisit ce jour là pour oublier ma trousse de soin que je vois, là, posée sur la table du salon, et que j’ai délaissée en pensant revenir en pleine forme de ma petite virée. Quelle idiote. Je sais pourtant que je ne reviens jamais en pleine forme, et je n’apprends jamais la leçon, et je me retrouve toujours avec du sang sur les mains. Quelle poisse. En plus, il fait chaud et humide. L’été n’a jamais été la saison que je déteste le plus, mais là, j’aurais vraiment préféré être en hiver, à me congeler sur place, que d’être assise là, toute poisseuse, avec le bras gauche en charpie qui plus est. Je me colle hargneusement l’hémopatch sur le bras et -je n’en rate jamais une- me fais évidemment encore plus mal. Il va vraiment falloir que je me calme, où je ne rentrerais jamais à la maison en un seul morceau. Je respire un bon coup -mauvaise idée, vu l’odeur- et me redresse, toujours en me tenant le bras. J’ai la tête qui tourne un peu -je me demande si je ne me suis pas évanouie, toute à l’heure- et la bouche sèche, mais à part ça tout va bien. D’un pas que j’aimerai décidé, mais qui est plutôt traînant, je quitte la pièce sombre où gisent une demi-douzaine de contaminés déjà tièdes, quelques éclats de verre et des meubles éventrés.

La lumière du soleil couchant blesse mes yeux qui s’étaient habitués à l’obscurité et drape les ruines qui m’entourent d’un voile rouge. Je cligne des paupières pendant plusieurs secondes en observant la scène. A la lumière déclinante, je peux voir les griffures et morsures qui me couvrent les jambes. Pourtant, je n’ai presque pas mal, et je me sens plutôt bien vu l’état dans lequel je suis. Je crache un mélange de sang et de salive sur le trottoir et enlève un bout de chair qui m’était resté entre les dents. Je fais un peu craquer mes articulations, et m’assoie dans un coin sombre pour manger un morceau. Ce n’est pas que j’ai faim –après tout, je viens juste de finir mon repas-, mais j’ai encore besoin de récupérer avant de retraverser le quartier. D’ailleurs, je ferais mieux de ne pas traîner. Il fait presque nuit, et j’entends du bruit au bout de la rue…